Séquence 4 (Les Fleurs du Mal : Baudelaire et le "culte des images")

Cours destinés aux élèves de 1ES2 et de 1S1 du lycée Charles Deulin.

lundi, mars 27, 2006

Cours d'introduction

Etude d’une œuvre intégrale : Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire.
Objet d’étude : La poésie moderne (objet d’étude dominant), le biographique, un mouvement littéraire (objets d’étude secondaires).

Quelques dates (celles que vous devez connaître par cœur) : Charles Baudelaire (1821-1867).
Les Fleurs du Mal : deux éditions, en 1857, puis en 1861.

Pourquoi étudier cette œuvre ? (première étape pour problématiser la séquence)
D’abord c’est un classique, sans doute l’œuvre poétique la plus « réputée » du XIXe siècle.
Mais, si les Fleurs du Mal font maintenant partie de la littérature classique, elles n’en sont pas moins modernes, au sens où leur parution, au milieu du XIXe siècle, marquent un véritable tournant dans l’histoire littéraire, à plusieurs titres (ce que nous approfondirons au cours de la séquence).
Il s’agira en fait, dans cette séquence, d’essayer de comprendre ce qu’est la modernité, au sens poétique : qu’appelle-t-on modernité dans le domaine de la poésie ? Qu’est-ce qu’un poème moderne ? Qu’est-ce qu’un poète moderne ?
Ces questions sont essentielles, et il faudra vous rappeler de tout ce que l’on a déjà pu dire à propos de la modernité, chez Du Bellay (dans la Défense et Illustration de la langue française), et chez Perrault (dans ses prises de position au moment de la « querelle des Anciens et des Modernes »).

Eléments de bibliographie :

Baudelaire a écrit quantité d’articles de critique d’art, dès l’âge de vingt-quatre ans. Ce type d’écriture correspond à la fois à une nécessité d'ordre « alimentaire » (pour subvenir à ses besoins) et à un goût pour l’art (la peinture en particulier) et la beauté en général. Ainsi, Baudelaire a publié plusieurs Salons (le « Salon » désignant à la fois une exposition annuelle d’œuvres d’art dans le palais du Louvre, et un ouvrage qui rend compte, sous forme de commentaires, d’analyse critique, de cette exposition). Dès le Salon de 1845, Baudelaire reconnaît en Delacroix une figure majeure de l’art français. Il réitère ses propos dans le Salon de 1846, où il ne tarit pas d’éloges à propos de celui qu’il considère comme le plus grand des classiques et le plus grand des modernes tout à la fois. Notons que Delacroix est connu depuis le début des années 1820. Il avait en effet participé au Salon de 1822 en exposant une toile qui avait fait scandale, Dante et Virgile aux Enfers. Bref, quand Baudelaire écrit ses articles, son aîné (Delacroix est né en 1799) est déjà connu : sa réputation n’est plus à faire.

Tout en écrivant ses articles, Baudelaire prépare, pendant une dizaine d’années (jusqu’en 1857) la publication des Fleurs du Mal. Il se montre extrêmement rigoureux dans la conception du recueil, dans le choix des sections qui le composeront, dans l’ordre des poèmes… Il s’agit de poèmes de facture classique (en strophes et en vers rimés, avec des formes parfois anciennes, comme le sonnet). Le contenu (le fond), en revanche, a surpris le lecteur de l’époque : l’auteur évoque parfois des scènes, des personnages ou des animaux terrifiants, repoussants, dans un langage volontiers cru, ironique, cynique, et/ou profondément désespéré. Certains poèmes évoquant l’homosexualité féminine valent à leur auteur un procès en 1857 : il est condamné à retirer six poèmes (jugés immoraux) de l’œuvre (cf. pp. 190-199 dans votre édition). Ainsi, la structure des Fleurs du Mal se trouve complètement brisée, et Baudelaire attend quatre années avant une nouvelle publication (largement remaniée, avec de nombreux ajouts).

On retiendra une seconde (et dernière) œuvre poétique, publiée de manière posthume en 1869 (ce qui explique l’existence de deux titres, Baudelaire n’ayant pas fixé son choix avant sa mort) : les Petits poèmes en prose, que l’on appelle aussi Le Spleen de Paris. Le premier titre met l’accent sur la forme, et il est vrai que le poème en prose représente une nouveauté dans le domaine de la poésie, qui s’affranchit des contraintes prosodiques, le texte se présentant banalement sous la forme de paragraphes, dont on ne saurait dire, à première vue, qu’ils sont des poèmes. En ce sens, on peut évidemment parler de poésie moderne. Le deuxième titre nous renseigne sur le fond :
- l’évocation de Paris, d’un cadre urbain marqué par la modernité, en particulier économique et industrielle (ce qui, en soi, est moderne à l’époque, la poésie s’occupant traditionnellement des grands thèmes universels comme l’amour, la mort…) ;
- la notion de spleen, mot importé de la langue anglaise et mis à la mode par Baudelaire, qui en fait une forme particulière de l’ennui, de la mélancolie, signe d’un malaise profond chez l’individu (un mal dont il ne connaît pas l’origine, qu’il ne peut donc guérir, et avec lequel il doit vivre constamment).

On pourra mentionner d’autres œuvres, comme Les Paradis artificiels, recueil d’articles traitant des différentes drogues auxquels certains artistes pouvaient avoir recours pour se plonger dans des états que les hommes ignorent quand ils ne vivent que dans la trivialité du quotidien. On a souvent de Baudelaire (et d’autres poètes comme Rimbaud ou Verlaine) l’image d’un poète drogué, comme si ses poèmes avaient été écrits sous l’influence de l’opium et du haschich, et qu’ils n’exprimaient que les délires d’un malade… C’est une idée qu’il faut oublier, car Baudelaire est un poète qui lime ses vers, qui les retravaille incessamment (selon l’idéal classique que Boileau formule dans son Art poétique). Par ailleurs, il en arrive lui-même à la conclusion que les drogues ne permettent au poète de produire que des vers pitoyables…

Enfin, nous parlerons de Fusées et Mon cœur mis à nu, recueils de fragments autobiographiques, sous forme de feuillets numérotés, et publiés de manière posthume (ce ne sont que des brouillons, des notes, des projets).